Depuis un an, Paul Green est sur les routes. Cet ancien journaliste a décidé de sillonner les États-Unis pour tenter de retrouver des personnes disparues. Mais au début du roman, le constat est sans appel, c’est un échec. Paul n’a secouru personne. Pourtant, il y a cette dernière affaire qu’il ne veut pas laisser tomber. Linda Richardson, une jeune femme, paumée, fragile, qu’il poursuit depuis des mois. Elle a fui sa petite vie trop tranquille au Nouveau-Mexique pour la Californie. Paul a enfin une piste. Linda aurait rejoint L’Enceinte, une communauté qui appartient à La Voie, un groupe religieux puissant que j’ai imaginé en m’inspirant de diverses organisations américaines. Paul commence alors à enquêter sur la secte mais réalise qu’elle dissimule des secrets terrifiants. Pas d’autre choix pour lui que de s’infiltrer dans L’Enceinte. Il va y découvrir ses rites étranges et son gourou charismatique, Douglas Fairview… En parallèle, à Los Angeles, Sarah Shelley, une inspectrice des Homicides, est appelée sur une scène de crime. On vient de retrouver le cadavre d’une jeune femme, entièrement tailladé. Elle serait morte vidée de son sang. Commence alors pour elle une terrible enquête qui semble pointer vers l’un des plus dangereux gangs de la ville, La Sombra. Et si ces deux affaires étaient liées ? Je n’en dirai pas plus ici, mais sachez que, des tréfonds de Los Angeles, aux villas luxueuses de Beverly Hills, Sarah et Paul vont emprunter un chemin de ténèbres…
À travers cette intrigue, vous décrivez les mécanismes sournois et terrifiants de l’emprise sectaire et de la manipulation mentale. Méfiez-vous des anges ! dites-vous. En quoi ces phénomènes vous intéressent-ils ? Et comment vous êtes-vous documenté ?
J’ai toujours été intéressé par les mécanismes d’endoctrinement. Avec le confinement, les théories du complot liées à la crise sanitaire, l’angoisse de la guerre, on assiste à une recrudescence inédite des dérives sectaires. En France, après une période de relâchement, la vigilance des autorités est de nouveau de mise. Une magistrate, Hanène Romdhane, a été spécialement nommée pour contrer ce phénomène inquiétant. Pendant plus d’un an, j’ai emmagasiné un maximum d’informations sur le sujet. Lu beaucoup d’ouvrages, comme ceux de Margaret Thaler Singer, une psychologue américaine qui fut l’une des premières à accompagner les victimes de sectes, le livre Le Pouvoir des sectes de Renaud Leblond qui dresse un état des lieux complet des types de sectes et de leur histoire ou La Mécanique des sectes de Jean-Marie Abgrall, qui décrypte avec précision les étapes de manipulation mises en œuvre dans ces groupes religieux. J’ai également consulté bon nombre d’articles, visionné une tonne de documentaires sur les cultes les plus marquants : la Scientologie, le Temple du Peuple, les Davidiens, Osho, la secte Moon, l’Ordre du Temple solaire… Point de voyeurisme malsain ici, ce qui m’intéressait dans cette démarche, c’était de tenter de trouver les points communs entre tous ces cultes.
C’est un sujet complexe, difficile auquel vous vous êtes attelés…
Passionnant, en tout cas. Et, encore une fois, terriblement actuel. Si mon roman est une fiction, je me devais d’être le plus exemplaire possible. Une fois cette étape de documentation passée, j’ai tenté de digérer toutes ces informations pour créer La Voie. Mon souhait avec le roman était de donner naissance à une secte qui soit crédible, dans son fonctionnement, son organisation, mais aussi dans son discours. Plus largement, je voulais montrer à travers ce livre combien il n’y a pas de cible type. Tout le monde peut tomber sous l’emprise d’une secte, quel que soit le niveau scolaire ou le milieu social de la victime.
Vous faites une peinture très contrastée de Los Angeles, entre lumières et ténèbres. On découvre notamment, loin des paillettes et d’Hollywood, les bas-fonds de la ville où règnent des gangs d’une extrême violence. Racontez-nous…
Je connais bien Los Angeles pour m’y être fréquemment rendu alors que j’étais journaliste dans les années 2010. Et c’est justement à cette période que se déroule le roman. Cette ville, qui s’étend à perte de vue, m’a toujours marqué. Los Angeles est la cité des décors, de l’illusion. Pas étonnant que LA soit devenue la Mecque du cinéma, car tout y est façade, apparence. La ville semble construite par strates. Les extrêmes se croisent sans jamais se rencontrer. Tout en bas, il y a les sans-abri. J’ai vu là-bas des personnes ravagées par la drogue, en détresse mentale grave, qui erraient dans les rues sans que personne leur prête attention. Un peu plus loin, on trouve les banlieues où les gangs comme la MS-13, le 18th Street Gang ont la mainmise. Ces quartiers sont des zones de non-droit où la police intervient difficilement. Les gangs sont la seule autorité qui prévaut. Puis, à l’autre extrême, il y a les quartiers huppés comme Beverly Hills, et les collines. Ici, c’est le luxe, le faste, la démesure. On se baigne dans sa somptueuse piscine à débordement, sans se soucier du monde qui brûle, juste en dessous.
Aux côtés de Paul Green, une autre héroïne, l’inspectrice Sarah Shelley, joue un rôle important dans la résolution de l’affaire. Comme Paul, elle apparaît intrépide, obstinée, mais aussi fragile et parfois même au bord de la rupture. Vous aimez mettre en scène ces âmes un peu cabossées par la vie ?
Oui, j’évite tant que possible de créer des personnages monolithiques, de raconter des histoires manichéennes. Mes héros sont toujours fragiles, abîmés, souvent en marge. Vous le verrez dans le roman, ils peuvent se tromper, faire des erreurs. Comme le dit l’un des personnages dans Méfiez-vous des anges, nous sommes tous des funambules, en équilibre fragile entre le bien et le mal. Sarah, par exemple, a beau être une des inspectrices les plus brillantes des Homicides de la LAPD, elle est très isolée, parfois perdue. Elle est atteinte d’une maladie, l’hypermnésie, qui la condamne à la solitude.
Un autre thème affleure tout au long du roman : la quête de l’immortalité. Pensez-vous que l’époque est à la recherche de nouveaux dépassements, de nouvelles transcendances ? Quitte à se perdre et sombrer…
Je crois, en effet, que nous vivons une époque où l’on se refuse à l’idée de la mort. On cache nos « anciens » dans des mouroirs, on court après cette idée d’une jeunesse éternelle. Il faut entretenir son corps, son esprit, dissimuler la moindre aspérité du temps. Rester jeune à tout prix. La vieillesse est honnie. Quand on se promène à Los Angeles, on ne peut qu’être frappé par le nombre de personnes qui ont eu recours à la chirurgie esthétique. Et en Californie, comme partout dans le monde, il existe un nombre croissant de « cliniques » qui proposent des traitements promettant de « revivifier votre corps » avec des techniques prétendument révolutionnaires, comme le microneedling, la cryothérapie, la luminothérapie… Il y a toujours un nouveau traitement à essayer. Si on en a les moyens… Hollywood est le reflet de cette course en avant. Il est devenu impossible de vieillir. J’en parle dans le roman, mais il existe des budgets spécifiques dans le cinéma pour des effets spéciaux appelés « beauty work » qui embellissent les actrices et acteurs. On efface numériquement les rides, cernes. Tous, à notre petite échelle, nous vivons aussi dans l’illusion de nous-mêmes. On le voit à travers les réseaux sociaux. Ce besoin de se mettre en scène, de s’imaginer une vie parfaite, tout le temps. Cette ère de la vanité, quête frénétique de la perfection, a un prix, évidemment. Une fois qu’on met le doigt dans cet engrenage, c’est une machine qui finit par nous dévorer.
Savez-vous déjà quel sera le sujet de votre prochain roman ? Retrouvera-t-on Paul Green ?
Après trois livres, Paul Green a bien besoin d’un peu de repos. Vous comprendrez en lisant Méfiez-vous des anges que je lui dois bien cela. Je le retrouverai ce vieux râleur, avec plaisir, mais plus tard. Pour l’année prochaine, je travaille sur un polar très différent de la trilogie Paul Green. Ce sera ainsi la première fois que je placerai l’action en Europe et non aux États-Unis. J’avais une envie d’explorer d’autres territoires. C’est un récit qui me tient à cœur et auquel je pense depuis de longues années. Une histoire de fratrie, de vengeance et de rédemption impossible.