Interview de l’auteur
Malaven, votre nouveau thriller, est le nom d’une île à la fois inquiétante et sauvage. Comment l’avez-vous créée ?
Cette île au cœur de la mer d’Iroise est l’un des décors que j’ai eu le plus de plaisir à développer. J’ai passé un temps déraisonnable à imaginer sa topographie, sa faune, sa flore, son passé et ses traditions. Je souhaitais que, dès les premières pages, on ait l’impression que Malaven existe vraiment. Je suis ensuite parti à deux reprises pour de longs repérages à Belle-Île, l’Île aux Moines, Ouessant, Molène…
L’insularité, l’isolement, le huis clos, cet univers confiné et oppressant n’est pas nouveau pour vous. Pourquoi cette envie ?
L’île, pour un auteur de thriller, c’est le huis clos ultime ! Voilà des années que je rêvais d’un roman qui se déroulerait exclusivement sur une île. Je voulais aussi rendre hommage à ces œuvres qui m’ont tant marqué et qui avaient toutes ce côté insulaire en commun. Les livres comme Ils étaient dix, Shutter Island…, des films comme The Wicker Man, Les Chasses du comte Zaroff ou des séries telles que Le Prisonnier ou Lost, ont été des sources d’inspiration.
L’histoire se déroule sur deux époques, à vingt ans d’intervalle, 1987 et 2007. Avez-vous la nostalgie des années 1980 ?
Plus que de la nostalgie, je chéris les souvenirs de mon enfance, dans les années 80-90. Comme la bande des Confins, dans mon livre, on imaginait avec mes copains de folles aventures, on explorait les sous-bois, on construisait des cabanes. Puis, plus tard, c’était les soirées autour du feu, les premières amourettes, les premières cuites… Les années 80-90 me semblaient plus insouciantes, plus légères. Nous étions moins connectés, peut-être plus libres.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la bande des Confins ?
La bande des Confins, ce sont cinq copains, unis à la vie, à la mort, qui se sont rencontrés sur Malaven. Nous les découvrons, en octobre 1987, alors qu’ils passent un dernier week-end ensemble. Avant que chacun ne prenne son envol! François et Erwan, deux inséparables, ont grandi à Malaven. François rêve de quitter l’île où il se sent trop à l’étroit. À l’inverse, Erwan, destiné à devenir pêcheur comme son père, ne comprend pas que son ami veuille partir. Et puis, il y a les trois continentaux: Alice, la Parisienne, la tête pleine de questions, Typhaine, une jeune fille à la personnalité forte, Stan, un garçon un peu gaffeur et sensible. Vingt ans plus tard, quatre d’entre eux vont répondre à l’invitation d’un mystérieux écrivain. Mais pas question d’en dire plus à ce stade…
Préservons le suspens ! En attendant, peut-on dire que ce livre est un roman de la mémoire et l’oubli ?
Le sujet du passé est toujours très présent dans mes livres. Souvent, mes personnages sont paralysés par leurs souvenirs. Des souvenirs qui les hantent et les empêchent d’aller de l’avant. Paul Green ou Sofia dans La Meute passent leur temps à regarder dans le rétroviseur. Ici, c’est tout l’inverse. Les quatre personnages qui vont arpenter Malaven en 2007 sont comme vierges de leur passé. Orphelins de leur propre histoire. Je m’inspire ici, sans trop en dire, de nouveaux protocoles et traitements autour des traumas. Des traitements qui permettraient d’avancer en effaçant ses blessures… Au gré des épreuves qu’ils vont devoir affronter, Alice, Erwan, François et Stan vont devoir reconstruire leur histoire mais aussi celle de l’île. Faire face aux fantômes de Malaven qui sont toujours là. Attendre que l’on écoute enfin leur vérité…
Ce livre évoque aussi avec sensibilité la fin de l’adolescence…
Oui, parce qu’entre tous ces adolescents, il y a beaucoup d’amitié, d’affection, mais aussi des tensions, des jalousies, des silences. Malaven parle de ces liens qu’on croyait éternels, du temps qui passe, qui érode tout. L’adolescence est une période où tout est chamboulé. J’ai mis beaucoup de moi dans ce roman, énormément de souvenirs personnels.
Revenons sur ces épreuves imaginées par ce mystérieux écrivain, Jonas Waverley. Un véritable parcours du combattant. Pourquoi ce thème du jeu ?
Parce que je suis moi-même un joueur devant l’éternel. J’adore les jeux de société, les jeux de rôle, les escape games. Plus sérieusement, j’ai pensé Malaven comme un piège qui se referme sur les personnages et sur le lecteur. Dès la première page, et la magnifique carte illustrée par Olivier Sanfilippo, je me suis amusé à glisser des indices. Je souhaitais offrir aux lecteurs une expérience de lecture surprenante et ludique. Dans ce livre, tout est jeu…
Sans trop dévoiler l’histoire, une étrange folie s’est emparée de l’île en 1987. Vous vous êtes appuyé sur des faits réels ?
Le roman, en effet, s’inspire d’une histoire vraie, un grand mystère français, l’affaire du Pain Maudit à Pont-Saint-Esprit. En août 1951, durant plusieurs jours, un petit village du Gard sombre dans la folie. Des centaines d’habitants sont pris de violentes douleurs, d’hallucinations, tentent de se suicider. Sept personnes mourront et des dizaines seront internées, suite aux événements. On a longtemps pensé que la maladie était due à l’ergot de seigle, un champignon infectant les farines avariées. Mais le mystère reste entier… Certains prétendent que l’affaire serait liée au programme MK-Ultra de la CIA, et à leurs expérimentations sur le LSD et les armements bactériologiques. Dans Malaven, j’essaie d’imaginer ce qui serait survenu si les secours n’étaient jamais arrivés sur place…
Depuis l’écriture de ce livre, vous avez décidé de poser vos valises en Bretagne. Coïncidence ?
Peut-être pas. Je pense que le fait d’avoir arpenté ces régions durant mes repérages, les Côtes-d’Armor, le Finistère, le Morbihan, a créé un déclic. J’aime ces paysages, la lumière changeante, la puissance des éléments. Ma famille et moi avons été conquis.
Avez-vous déjà une idée de ce que sera votre prochain roman ?
J’essaye de me réinventer à chacun de mes livres. Malaven, je crois, est un ouvrage très différent des précédents. L’année prochaine, j’aimerais aller encore plus loin en entraînant le lecteur dans un grand récit d’aventures à la fin du xixe siècle.
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