Interview de l’auteur
L’Enfant du premier matin est un thriller teinté d’ésotérisme, sur fond de grands mystères de l’humanité et de civilisations perdues. Comment vous est venue l’idée de ce livre, pour le moins originale ?
Chaque thriller que j’ai fait chez XO est marqué par un thème fort, que je puise en général parmi mes propres obsessions (ou fascinations). Les Orphelins du Mal exploraient les mystères de la seconde guerre mondiale, une période qui fait partie de mon code génétique puisque je porte le nom d’un des pionniers de la Résistance. Les Derniers Jours de Paris m’ont permis d’aborder l’histoire et les zones d’ombres d’une ville qui ne cesse de me fasciner, et sur laquelle je m’étais toujours promis d’écrire une sorte de « fresque catastrophe ». Avec L’enfant du premier matin, j’aborde une de mes passions les plus intimes (et secrètes !) : l’ésotérisme. Je suis tombé dedans au milieu de l’adolescence, en lisant Le Pendule de Foucault, d’Umberto Eco, et Le Matin des Magiciens, de Pauwels et Bergier. En me passionnant pour l’Alchimie, les rose-croix, les templiers, les cathares, l’Atlantide, jusqu’aux Ovnis, j’ai découvert là un fabuleux vivier romanesque que je m’étais toujours promis d’exploiter un jour. Dont acte, avec ce roman copieux et (j’espère) foisonnant, où l’on voyage dans le monde, dans le temps et dans l’histoire…
La construction de l’intrigue fait voyager le lecteur, à chaque chapitre, dans une époque différente : la fin du XIXe siècle à Paris et sa tour Eiffel toute neuve et 2013. Pourquoi ces périodes en particulier ?
Parce que j’aime les intrigues qui font la navette entre la modernité et le passé, qui créent des ponts, des arches narratives entre des temps que l’on penserait inconciliables. A priori, pas grands rapports entre la vie d’un petit garçon de 13 ans, dans le Carpentras de 2013, et les recherches d’un journaliste de 37 ans, dans le Paris sataniste de 1892… détrompez-vous, détrompez-vous…
Pourquoi, dans tous vos livres, vos intrigues mêlent-elles l’imaginaire avec des faits réels ou historiques ?
J’aime qu’une intrigue, aussi folle soit-elle, ait un ancrage dans une réalité tangible ; que ce soit la vie et les tracas de tous les jours, ou bien des faits historiques précis. Dans ce roman, on voit la vie quotidienne d’une mère célibataire dans la Provence de 2013. On croise également Gustave Eiffel, Georges Clemenceau, Victorien Sardou… et même Heinrich Himmler ! On partage les angoisses d’une mère qui découvre que son fils de treize ans est atteint d’une maladie orpheline ; on suit les pas d’une sorte de Tintin reporter dans le Paris occultiste de 1892… lequel « Tintin » va être converti par ceux qu’il croyait combattre, et se découvrir une nouvelle vie, qui va l’emmener loin, très loin des salons parisiens. Bref : une maman de 2013 qui cherche son enfant disparu, un célibataire de 1892 en quête d’un amour satanique et envolé, voilà comment je crée des ponts entre les époques, les réalités et les aventures… en tâchant toujours de retomber sur mes pieds !
Vous emmenez le lecteur sur les cinq continents, déroulant votre intrigue dans des lieux chargés de mystère : l’île de Pâques, le mont Agarttha, les pyramides égyptiennes et précolombiennes, même la tour Eiffel ou Ground Zero… Croyez-vous au caractère « magique », en tout cas hors du commun, de ces endroits ?
Je ne suis pas un esprit religieux mais j’ai un rapport assez mystique (voir païen) aux lieux, aux sites. Je suis bien plus touché par une ruine, un vestige, qu’un monument. A Paris, les arènes de Lutèce m’émeuvent bien plus que l’Arc de Triomphe. C’est que j’y sens passer le souffle des âges et surtout celui des croyances. On dit que les cathédrales avaient une architecture tellurique, que certaines demeures dites « philosophales » étaient bâties en fonction de principes alchimiques. Ce sont ces « lieux où soufflent l’esprit » qui parlent au cœur, à l’instinct, aux sens, avant de parler à la raison. Des lieux qui font partie de notre patrimoine inconscient, qui sont des balises dans l’évolution des mystères humains.
Vos personnages sont aux mains d’une puissance qui les dépasse. Le lecteur quitte, en même temps que vos protagonistes, les frontières du réel pour entrer dans l’illusion, le fantasmagorique. Cela vous a-t-il donné plus de liberté dans l’écriture et l’élaboration de votre histoire ?
Pas vraiment. Qu’elles soient réalistes ou fantasmagoriques, concrètes ou oniriques, mes histoires sont toujours très construites. Je ne laisse jamais de place au hasard, car ce sont des structures élaborées au millimètre prêt, comme doit l’être un scénario de film ou de roman feuilleton (ou de série télé, bien sûr : mon grand modèle). Un élément manque et le château s’effondre ; alors que le lecteur doit être pris par une main qui ne le lâchera qu’à la dernière page…
Vous avez publié trois thrillers chez XO, mais aussi des récits plus intimes, des essais sur la musique, sur l’opérette… Vous faites cohabiter le plus naturellement du monde ces genres littéraires, tous très différents ; comment réussissez-vous cet équilibre ?
Je suis un esprit libre, parfois franc-tireur, parfois potache, parfois provocateur, parfois très sérieux, mais toujours dilettante. J’aime jongler entre les styles et les centres d’intérêts (faussement) incompatibles. D’une manière générale, je déteste le cloisonnement des genres, qui est une maladie très française. Dans les pays anglo-saxons, on peut très bien passer d’un genre à un autre sans susciter l’étonnement. En France, pays de spécialistes, l’éclectisme est toujours un peu suspect. Mais je crois juste que le changement de genre, comme de chemise ou de couleur, est chez moi une respiration naturelle. C’est même là que réside mon équilibre. Sans ces grands écarts, je pense que je perdrais pied… et donc toute inspiration !
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