Oui. Et non. Oui, parce que plus le temps passe et plus j’aime plonger dans des univers denses et psychologiquement éprouvants pour mes héroïnes. Cela leur permet de se dépasser en permanence jusqu’à approcher cette résilience à laquelle nous aspirons tous. Et non, parce que chaque roman a son propre rythme, sa propre émotion, et que j’aime en suivre l’inspiration et le souffle. J’ignore de quoi mon écriture se nourrira demain, même si je vous promets quelques belles surprises du même genre…
Racontez-nous un peu cette enquête sur la disparition d’un Templier, sur fond de trahisons et de vengeances…
Après la disparition de son frère, Margaux de Dente se lance à sa recherche. Elle le croit parti en Orient, elle découvre que non seulement il en est revenu, mais que son commanditaire est prêt à tout pour retrouver ce qu’il aurait dû lui en rapporter. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ? Où est-il retenu prisonnier ? Quel est cet objet dont la valeur se moque du sang versé ? Quand Margaux pense avoir fait le tour de questions sans
réponses, une femme mystérieuse et masquée s’invite à la danse macabre de ses ennemis. Et son simple surnom, «Les Yeux de la Montagne », sème la terreur. Comme si cet hiver 1306 qui figure parmi les plus froids de notre histoire ne suffisait pas à ensevelir la région sous la glace. Croyez-moi, comme Margaux, vous n’avez pas fini de frissonner.
Margaux de Dente, votre héroïne, est une femme courageuse, puissante. Vous avez toujours aimé mettre à l’honneur l’influence et la force de caractère des femmes dans l’Histoire. Parlez-nous d’elle.
Margaux de Dente ne correspond pas aux stéréotypes de son époque. Son père était un érudit qui a dépensé la plus grande partie de l’argent de sa baronnie à enrichir sa bibliothèque. Pour compenser chez elle le manque de sa mère disparue très tôt, il lui a appris à lire, à écrire. Il l’a aussi formée aux maniements du bâton, de l’épée… C’est une jouvencelle accomplie, curieuse et empathique. Et une guerrière en substance qui aime citer Platon quand tout s’écroule autour d’elle. C’est tout cela qui va lui permettre de découvrir ce qu’est le vrai courage. Même si ce sera à ses dépens.
C’est en pays cathare que vous nous invitez, non loin de Carcassonne, dans le Haut-Razès, au cœur d’une nature impressionnante, souvent hostile. En quoi cette géographie vous intéresse-t-elle ? Et comment avez-vous travaillé pour la restituer ?
Cette région est troublante à plus d’un titre. Sur le plan historique, elle foisonne de légendes autant que de hauts faits. Autour de Saint-Ferriol, où se trouvait le château de Dente, on pouvait compter quatre commanderies templières sur un rayon de vingt kilomètres. La plupart des châteaux, dont celui-ci, appartenaient à des familles cathares. Et pendant longtemps, cathares et Templiers ont cohabité en toute prospérité. Certains Templiers ont même soutenu et protégé des cathares au moment de la croisade, quand d’autres, au contraire, se sont mis à les persécuter. Et avant eux encore, les Wisigoths ont marqué ce lieu, disséminant leurs trésors sous terre. Trésors dont certains ressurgissent aujourd’hui. Dès lors, comment empêcher que jalousie, trahisons et passions puissent naître et s’y déchaîner ? D’autant que, à ces époques, dès que la neige recouvrait les sentiers à fleur de montagne, les cols devenaient impraticables et le défilé de la Pierre-Lys enfermait la vallée. Je me suis rendue en Razès en plein hiver. L’atmosphère qui y règne nous plonge déjà dans le mystère. J’ai travaillé avec des historiens locaux, j’ai dévoré leurs ouvrages. J’ai vraiment adoré cet endroit.
Le XIVe siècle est une période riche d’échanges avec l’Orient, on pense à la découverte des écrits philosophiques d’Averroès et à l’intérêt pour l’alchimie. Cette dimension est-elle présente dans votre roman ?
Oui, bien sûr. C’est pour cela que j’ai fait du père de Margaux un érudit que l’on venait consulter fréquemment. Pour rendre cette dimension-là à ce Moyen Âge que l’on continue de déconsidérer. Quant à l’alchimie, elle est une des clefs de cette intrigue aux multiples rebondissements, alors « chut », je n’en dirai pas davantage…
Pourquoi, selon vous, les Templiers fascinent-ils toujours autant ? Et quelle est la part de vérité historique dans votre livre ?
Beaucoup de mystères entourent encore les Templiers. Étaient-ils corrompus ? Adoraient-ils réellement le Baphomet, cette figure que l’on a prêtée au diable ? Personne n’imagine à quel point, au moment de leur chute, ils étaient puissants. Ils n’avaient personne au-dessus d’eux, sinon un pape qui, lui aussi, leur devait de l’argent. Avoir pris le contrôle de l’Ordre était un coup de maître. À une exception près : le roi de France Philippe le Bel a trouvé des caisses vides. Depuis, il ne se passe pas un jour où un chasseur de trésors ne visite le Razès, Gisors, etc. Tout cela a contribué à leur légende. Et vous le savez, j’aime les légendes. Elles sont nombreuses elles aussi dans le Razès. Rennes-le-Château, Albedun, Campagne-sur-Aude, ces trois lieux à eux seuls attirent des visiteurs du monde entier depuis des décennies. Ils sont au cœur de ce roman et de sa suite. Quant à la vérité historique, elle a une place prépondérante, puisque cette intrigue s’appuie sur des faits et des personnages réels, comme toujours.
Le Templier de l’ombre connaîtra une suite à l’automne. Sans tout dévoiler, jusqu’où cet te histoire nous mènera-t-elle ?
Je reste au coeur du Razès et de ses mystères pour ce second tome, aussi enlevé et puissant que le premier. Quant à savoir où elle vous mènera émotionnellement, je dirais… au bout de vous-même.